Lifestyle, collaborations et possible revival des boutiques physiques à la FW Paris février/mars 2024
loading...
Marque de luxe, créateurs et griffes plus commerciales internationales se sont donné rendez-vous à Paris pour défiler, présenter ou exposer en salons ou en showrooms leurs collections automne-hiver 2024/2025. Chacune, à sa façon, a profité de la semaine de la mode parisienne (qui a débuté le lundi 26 février 2024 et s'est terminée le 8 mars pour la plupart des showrooms), pour se valoriser. Décryptage.
Avant tout, il faut rappeler une chose : l’appellation Paris Fashion Week est un terme déposé par la Fédération de la Haute Couture et de la Mode (FHCM) qui englobe plus de 120 défilés et présentations, plus autres événements adjacents. Dans le cadre de Paris Fashion Week, les participants ont non seulement un calendrier qui permet de tout voir (avec beaucoup d'endurance), mais bénéficient aussi, entre autres et non des moindres, d’un service de navettes indispensable pour se déplacer d’un lieu à un autre (surtout quand il pleut comme il a plu cette semaine-là).
Le reste, comprenez les salons, showrooms et marques qui organisent des shows, présentations, cocktails, etc., relève de la semaine de la mode parisienne (ou fashion week de Paris). Le calendrier de ces évènements est plus difficile à suivre tant il est pléthore. Il est à noter que certaines marques n’intègrent pas le calendrier de la Fédération, qui n’est pas sans engagement.
C’est le cas du jeune créateur AlainPaul, qui a travaillé pour Vetements sous la direction des frères Gvasalia, puis avec l'équipe de création de Virgil Abloh chez Louis Vuitton. AlainPaul a organisé son deuxième défilé au Théâtre du Châtelet, en présence, au premier rang, de Sarah et Colette Andelmann (ex-boutique Colette) ou de Linda Fargo (Bergdorf Goodman, New York).
Les marques de luxe s'inscrivent dans la tendance du marché vers une consommation lifestyle
Bien sûr, on a vu beaucoup de stars aux défilés des marques de luxe. Le retour sur investissement a déjà été largement commenté. Le défraiement (maquillage, coiffure, hébergement dans un palace parisien, chauffeur, cadeaux, etc.) est la base du contrat. À cela, il fait ajouter une somme qui irait de 10 000 à 150 000 euros pour une présence au premier rang sur un défilé, incluant le photocall.
Mais outre les personnalités bankables qui attirent une foule immense à chaque show, cette saison est marquée par le tournant lifestyle que prend le luxe. Aussi, outre les palaces qui affichaient complets (signe de la bonne santé de cet univers), les nouveaux lieux fréquentés par la fashion sphère pendant la semaine de la mode étaient ceux créés à l’initiative des marques de luxe.
Parmi ces nouveaux endroits à la mode, citons le café Maxime Frédéric at Louis Vuitton (quai de la Mégisserie, dans le premier arrondissement, en lieu et place de l’ancien Castorama) et sa dégustation de pâtisseries, le restaurant Dior (à l’ancien siège social de la maison avenue Montaigne, Paris 8ᵉ) et son musée, ou encore le nouvel espace culturel Saint Laurent Babylone. À ce jeu, l’été s’annonce dense en termes de beach clubs luxueux.
Jeunes créateurs de mode recherchent collaborations et plus si affinités
De l’autre côté de l’échelle médiatique et sociale, se trouvent les créateurs émergents. Fût un temps, quand on disait « c’est commercial », c’était presque une insulte. Aujourd’hui, c’est un compliment. Il faut dire que les temps ont changé.
Autrefois, une marque construisait son ADN, affinait son outil de production, chouchoutait son réseau de distribution wholesale avant de se lancer dans le grand bain d’un défilé ou d’une exposition au grand public. Aujourd’hui, c’est tout le contraire. On se montre d’abord, on fait de l’image, le reste suivra. Ou pas. Mais le jeu en vaut-il la chandelle ?
Au sortir de cette fashion week parisienne qui présentait les collections automne-hiver 2024/2025, il fait accepter l’idée qu’un créateur émergent ne peut pas vivre de sa propre marque. Il ne peut pas compter sur le commerce de détail pour s’en sortir. C’est, mot prononcé par plusieurs personnes, « du suicide ». Ils doivent absolument trouver des ressources adjacentes.
À titre d’exemple, citons Alexandre Vauthier, créateur indépendant, qui a annulé sa présentation automne-hiver 2024/2025, et est aujourd’hui en redressement judiciaire, notamment suite à un PGE (Prêt Garantie par l’État), contracté pendant la crise Covid, ingérable. Parmi les structures françaises, il n’est pas le seul à souffrir de ce PGE qui s’avère plus dur à rembourser qu’à souscrire.
La voie de secours peut passer par des collaborations, c’est le cas d’Alphonse Maitrepierre qui en est à sa troisième collaboration avec Desigual et en a fait une, pour ses chaussures babies automne-hiver 2024/2025, avec Carel. C’est aussi le cas de Kevin Germanier qui a imaginé une collection pour LVMH à l’occasion du LVMH 360 Summit. Cela peut aussi être la vente aux enchères d’articles portés par des célébrités, comme on l’a vu avec KWK, marque qui défile à Londres.
Est-ce à dire qu’être jeune créateur est une carte de visite ? « On se rend compte, confie Frédéric Maus, CEO de WSN Développement, au micro de FashionUnited, que les jeunes créateurs s’investissent énormément dans leur projet personnel, mais, à côté, ils ont des sources de revenus diverses, notamment la création pour certaines maisons ou studios. Ils sont à la fois créateurs et entrepreneurs. De nombreuses marques établies ont besoin de se renouveler pour apporter de la fraîcheur. Aujourd’hui, le business est protéïforme : cette génération fait plusieurs choses en même temps. »
Le wholesale physique est en train de prendre sa revanche sur le commerce en ligne
Dans un contexte où il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus, il semble tout de même que le fameux « retour des acheteurs » ne soit pas une formule de politesse. C’est en tout cas le sentiment des dirigeants de Tomorrow ltd, investis dans les marques Coperni, A-Cold-Wall*, Charles Jeffrey Loverboy, Colville et Martine Rose et agents pour Ester Manas, Ottolinger ou Rochas, qui signalent un retour en grâce du réseau de distribution physique.
« La saison dernière, le segment des boutiques indépendantes a connu un essor remarquable, les commandes aux États-Unis ayant grimpé de 25 % par rapport à l'année précédente, indique Valeria Garnica, responsable de l'expérience de marques et de la communication Cette croissance n'est pas un simple phénomène de mode, elle est durable, avec une augmentation de 8 % de nos partenaires actifs d'une année sur l'autre ».
La raison évoquée est simple à comprendre : pendant la crise Covid, les commerces en ligne ont connu une flambée des ventes. Sauf que cette « bulle » s’est dégonflée et beaucoup se retrouvent avec des stocks qu’ils ne savent plus gérer. Résultat : de nombreux retards de paiement et même des factures impayées que doivent assumer les marques. Ce contexte profite aux acheteurs de boutiques physiques. Si le phénomène est visible en Amérique du Nord, il est probable qu’il traverse l’Atlantique au profit de marques « bien positionnées » comme dirait Boris Provost, directeur général du salon Tranoï.
« Les marques qui exposent au centre de la nef du Palais de la Bourse vivent du wholesale, explique ce dernier à FashionUnited. Elles sont souvent le fruit d’un binôme entre un commercial et un studio de création. Elles accompagnent les acheteurs en s’adaptant aux commandes spéciales (modifications d’une forme, d’une couleur), Cette capacité à personnaliser, customiser, plaît beaucoup et est facteur de réussite. »
La preuve : de nombreuses boutiques multimarques et grands magasins référencent des marques qui n’investissent pas vraiment dans le référencement Google, les algorithmes des réseaux sociaux ou la presse, et ne communiquent pas via des présentations ou des défilés pendant les campagnes de vente.
À l’heure où l’effet buzz des shows et la surmédiatisation des célébrités ont pris le pas sur la mode parisienne, l’idée que des acheteurs du monde entier se déplacent encore pour apprécier une simple collection, et peut-être trouver la perle rare saisonnière, a de quoi réjouir les amateurs de mode pour lesquels un gâteau, un meuble ou une crème de beauté n’ont pas le même goût qu’une belle paire de chaussures ou un manteau aux épaules larges bien taillées couleur chocolat, comme le réclame la tendance automne-hiver 2024/2025.