PFW Homme AH25 : stars, tendances et nouvelles perspectives budgétaires
27 janv. 2025
La Fashion Week Hommes janvier 2025, qui introduisait les collections masculines (et parfois féminines) de l’automne-hiver 2025/2026 vient de se terminer. Il reste à digérer grand nombre d’informations, mais une chose est sûre : les grands gagnants sont la fame, la trend et le fric. Autrement dit, le pouvoir des célébrités présentes sur les shows (et donc le contre-pouvoir émergent), les tendances phares et le coût des défilés, via les promesses de financement des créateurs par le gouvernement et la mairie de Paris.
Quand la fashion week de Paris réunit la classe populaire et la classe tout court
La rencontre entre les gens de la rue et les hautes sphères de la mode se fait pendant les fashion weeks. Le reste du temps, les premiers scrollent les pages du site d’ultra fast fashion Shein, les seconds font du shopping avenue Montaigne. Mais durant les fashion weeks, les deux se fréquentent.
Les uns pour toucher de près leurs stars dont on ne sait parfois pas comment elles peuvent attirer une foule en délire quand les photographes (de Getty Images, par exemple) ne savent même pas qui ils shootent. Exemple : Meenping Nichakoon, acteur et chanteur thaïlandais, au show Kenzo.
Les autres, comprenez les marques, bénéficient d’un retour sur investissement en termes de retombées médiatiques et, par extension, commerciales en générant du buzz que Launchmetrics calcule à l’euro près.
Cette rencontre se fait aussi à travers les tendances mode initiées sur les shows, puis relayées par la presse ou les influenceurs sur les réseaux sociaux. Pour l’hiver 2025/2026, coup de chapeau à Kim Jones pour Dior Hommes, qui a reçu une standing ovation. La profession tout entière s’est émue de la célébration de sa couture masculine, inspirée de l’automne-hiver 1954/1955 : jeu de volumes, coupes cintrées jusqu’aux plus évasées, réinterprétation, sous forme de pantalons, des capes Opéra, etc. Son accolade avec Delphine Arnault, PDG de Dior, fait dire à beaucoup qu’il s’agissait de son dernier show pour la maison. Mais FashionUnited n’aime pas colporter les rumeurs, de fait, rien de certain.
On retrouve ce new tailoring – qui subjugue autant les hommes que les robes cintrées et les talons de douze fascinent les femmes – dans de nombreuses marques, qu’elles soient connues (Ami, Hermès, etc.) ou plus jeunes (Amiri, Valette Studio, Steven Passaro, etc.).
Bermuda extra-large, petit blouson ajusté, casquette, socquettes et sneakers sont les B.A.BA de la trend 2025
Mais la réalité sur le terrain, et non sur les podiums, est que hormis les hommes d’affaires de la profession (moyenne d’âge entre 50 et 70 ans), la jeunesse qui va de défilés en after shows, en passant par les showrooms commerciaux. Aussi, la fashion week Paris est-elle prise d’assaut par la scène rap internationale. La scène trap, même.
À l’origine, le terme « trap » désignait des lieux de trafic de drogue dans les ghettos. Aujourd’hui, c’est un genre musical fait de beats lents et lourds dont les paroles traitent de la vie dans les quartiers pauvres, de la drogue, de l'argent, de la violence et de la criminalité. Des réalités urbaines qui font écho à celles que de nombreuses personnes (les fameux 99 %) vivent et subissent.
Or, une tendance mode en est une dans la mesure où elle est associée à d’autres phénomènes culturels ou sociétaux. Et c’est précisément ce qui fait la différence entre le tailoring, réservé aux classes sociales favorisées, et la street culture, incarnée par les looks d’une scène afro, extrêmement présente sur les shows. Celui qui l’a bien compris et hisse cette mode au top de la fusion « luxe et street culture », c’est Pharrell Williams pour Louis Vuitton.
Mais il n’est pas le seul. Ainsi, Drôle de Monsieur, une marque française qui défilait en off du calendrier de la FHCM mais sur laquelle il va falloir revenir, surfe également sur ce créneau. Pour sa collection hiver 2025, Drôle de Monsieur s’attaque à un mythe : Saint-Moritz, sanctuaire alpin des élites, dans lequel se croisent aristocrates/héritiers/célébrités et nouvelles générations d’artistes, créateurs, musiciens et entrepreneurs visionnaires. Partant de cette idée, la collection Drôle de Monsieur propose une relecture commerciale du luxe alpin à travers les esthétiques et le lifestyle contemporains.
Sans tirer de grandes conclusions, on peut imaginer que la réunion de ces tendances de fond est incarnée par le créateur coréen Juun-J, dans une voie commerciale que pourraient bien suivre les buyers et les clients finaux.
Tout sauf la fame : quand l‘avant-garde préfère sortir cagoulée
Chaque stratégie ayant son revers de médaille, l’avant-garde mode ne veut plus jouer sur l’effet m’as-tu-vu de la fame. Revival Martin Margiela ou pure volonté de rester dans l’anonymat, les créateurs de la nouvelle génération ne souhaitent plus qu’on les reconnaisse et font la part belle aux cagoules ou aux masques qui cachent les visages.
En cela, Kanoush, le styliste à l'origine de la marque Coucou Bébé, est la surprise française de cette fashion week janvier 2025. Représenté par le showroom Cube, il a orchestré une présentation plus punk tu meurs. Comme annoncé en octobre 2024 par FashionUnited, Coucou Bébé avait bien l’intention de trancher avec les habitudes. Pari réussi avec un show baptisé Testostérone, de MMA inhabituel, en présence de Piotr Pavlensky et de nombreux autres artistes dont : Rich The Kid, Bu$hi, Luther, Ellen Von Unwerth, Bruce LaBruce, Malik Montana, etc.
Mais la surprise vient aussi de Charles Jeffrey Loverboy, nouvel entrant dans le calendrier de la FHCM, qui se distingue, captivé par les mouvements contre-culturels à travers l’histoire : « des notions comme la décadence et la dégénérescence, souvent utilisées pour réprimer la culture jeunesse, la queer attitude et la mode, révèlent l’angoisse de la société face au temps et au changement » indique le communiqué.
Du rose pâle pour contrecarrer une vague masculiniste qui affole la fashion
Le rose, plutôt pâle, genre layette, fait une opération séduction dans les collections. On peut y voir une volonté (ou une coïncidence) de mettre du féminin dans cette vague masculiniste - comprenez : un ensemble de revendications cherchant à promouvoir les droits des hommes au détriment de ceux de femmes - qui a secoué le monde de la mode, la première journée de la FW Paris, lundi 20 janvier, jour de l’investiture de Donald Trump.
Durant toute la semaine, de nombreuses personnes, à commencer par la communauté LGBTQIA+, particulièrement dénigrée, ont commenté la présence des géants de la tech aux côtés du nouveau président des États-Unis. Et de se poser des questions sur l’évolution des réseaux sociaux : le virage à l’extrême droite de X, mais surtout les positions prises par Mark Zuckerberg, PDG de Meta (Facebook, Instagram, WhatsApp) sur la possibilité de traiter de malade mental un transgenre. Si plus personne de la mode n’est sur Facebook, Instagram continue de jouer un rôle majeur pour ce secteur. S’en priver pour des raisons d’éthique personnelle reviendrait à se couper d’un relais de communication phare qui génère du business.
Les locations de lieux pour organiser le show : sujet numéro 1 dans l’économie de Paris Fashion Week
Or, le but de la fashion week, cagoulé ou non, en costume ou en baggy oversized, est de se faire remarquer. Un sujet qui relie directement les proéminentes questions d’argent liées aux fashion shows. Organiser un défilé coûte cher, notamment dans un lieu de prestige à même de fasciner les étrangers, les provinciaux et même les modeux parisiens réputés snobs (c’est tout dire).
À ce compte, comme le signale NSS Mag : « les hôtels jouent un rôle clé, bien au-delà de leur fonction d’hébergement. Au fil des années, ils sont devenus de véritables sanctuaires pour les designers, les rédacteurs, les acheteurs et les influenceurs, offrant un espace pour se ressourcer, nouer des échanges significatifs et organiser des événements exclusifs. De plus, avec l’influence croissante de Bernard Arnault dans l’industrie de l’hôtellerie, le rôle des hôtels devient encore plus dynamique. »
Cette saison, les pouvoirs publics ont répondu aux questions budgétaires. Rachida Dati, ministre de la Culture, s’est rendue sur le showroom Sphère, organisé par la FHCM et entièrement financé par le Défi via la taxe affectée payée par le secteur.
Le ministère de la Culture va mettre à disposition des jeunes designers inscrits au calendrier officiel de Paris Fashion Week (celui de la FHCM) des lieux rénovés pour leur permettre de présenter leurs collections, comme le Quadrilatère des Archives nationales. Autre annonce relevée à l’occasion de sa visite sur le showroom Sphère, une bourse (10 000 euros par an pour trois ans) sera destinée à un jeune chercheur dont les travaux portent « sur la dimension prospective et innovante de la création en mode ».
Suite à cette visite, ce fut au tour de Nicolas Bonnet Ouladj, adjoint à la maire de Paris (commerce, artisanat, professions libérales et métiers de l'art et de la mode), qui remplace Olivia Polski, de se déplacer sur Sphère, assistant par là même à la présentation de Steven Passaro.
« Nous avons répertorié les lieux de la ville dont nous sommes propriétaires. Clara Daguin est à Métropole 19, Jeanne Friot à La Caserne, confie Nicolas Bonnet Ouladj à FashionUnited. Hawa Paris a récemment installé sa boutique dans le dixième arrondissement et ses ateliers porte d’Ivry. Nous sommes propriétaires de plusieurs sites et essayons d’installer, avec les bailleurs de la ville, à la fois des ateliers de fabrication et des boutiques, via le site internet Paris Commerces. Je l'ai inauguré en début d’année, il regroupe nos offres commerciales. »
« Les shows sont un vrai problème pour les jeunes créateurs, d’autant que le Palais de Tokyo, qui accueille Sphère, va fermer pour rénovation, ajoute-t-il. La Mairie accueille déjà des défilés, comme celui de Yohji Yamamoto ou de l’école Duperré. Nous avons le Carreau du Temple. Avec la Fédération de la Haute Couture et de la Mode, nous identifions tous les lieux qui permettent aux jeunes créateurs de bénéficier de tarifs acceptables. Ils ne peuvent pas se permettre de mettre entre 50 000 et 100 000 euros pour un défilé de dix minutes ».
Une initiative louable, mais quid de ceux qui ne sont pas inscrits dans le calendrier de la Fédération (qui est dans son rôle de lobbyiste) ? L’avant-garde créative, autrement nommée underground artistique, commence souvent dans la rue.
- La Fashion Week Hommes janvier 2025 a mis en lumière l'influence des célébrités, les nouvelles tendances (new tailoring, streetwear) et le financement des défilés.
- Les tendances clés incluent le new tailoring, un style hybride luxe/streetwear incarné par des marques comme Dior et Amiri, et l'utilisation de la couleur rose pâle.
- L'accès à des lieux de défilés abordables pour les jeunes créateurs est devenu une préoccupation majeure, avec des initiatives de soutien financier et logistique de la part du gouvernement et de la mairie de Paris.
Erratum : Meenping Nichakoon est un acteur et chanteur thaïlandais et non coréen comme cela était précédemment indiqué.